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Pierre Gaultier de La Vérendrye
Pierre est le premier Canadien français à franchir Kabapikotawangag (lac des Bois en anishnaabemowin). Bien qu’il n’atteigne pas la mer de l’Ouest, sa réputation grandit au fur et à mesure qu’il échange des marchandises contre des peaux de castor et établit des relations avec les gens vivant le long des cours d’eau. Lorsqu’il se rend à la fourche des rivières Rouge et Assiniboine en 1738, les Nēhiyawak (Cris) et les Nakoda (Assiniboines) l’attendent pour nouer des alliances.
Les représentations du passé comme les figures de cette statue sont des interprétations colorées par le colonialisme. Elles soulèvent des questions difficiles sur le pouvoir et les points de vue. Alors que Pierre est célébré comme le découvreur de ces terres, on peut se demander : qui est exclu de l’histoire?
Pierre grandit dans la bourgeoisie, la classe moyenne de la Nouvelle-France. Jeune officier, il est blessé au combat et perd son grade de lieutenant, ce qui lui laisse peu de perspectives. Sa fiancée Marie-Anne Dandonneau, qui est instruite, use de son influence auprès des femmes de la classe supérieure pour garantir à son futur mari l’accès à des débouchés et rétablir son grade. Elle hérite de biens lors de leur mariage, ce qui permet au couple de s’installer dans la vallée du Saint-Laurent pour y mener une vie d’agriculture et de traite des fourrures. Quinze ans et six enfants plus tard, l’attention de Pierre se tourne vers l’Ouest. Marie-Anne ne voit plus beaucoup son mari par la suite. Elle gère habilement l’entreprise familiale jusqu’à sa mort en 1739. La situation financière de Pierre ne sera plus jamais aussi solide.
Les puissantes mères des clans Anishinaabe et Nēhiyawak sont des décideuses influentes et respectées dans leurs communautés. Elles aident à maintenir la paix, établissent des liens diplomatiques et concluent des accords commerciaux par le mariage. Pierre se marie deux fois dans l’Ouest avec des femmes dont il ne consigne pas le nom. Ces unions sont des accords vivants conclus de nation à nation et comportent des obligations familiales. Comme les femmes sont gardiennes et protectrices de la nibi (eau en anishinaabemowin), les autoroutes de l’époque, ces mariages donnent à Pierre, à ses fils et aux 50 Canadiens français avec qui il voyage, un accès crucial aux réseaux familiaux de commerce et de main-d’œuvre de ses épouses.
Pierre dépend de nombreuses personnes pour réaliser ses projets. Il forme des alliances avec les Premières Nations non seulement pour le commerce, mais aussi pour leurs compétences, leurs connaissances et leur protection. C’est d’un chef anishinini que Pierre apprend, en 1727, l’existence d’une route potentielle vers la mer de l’Ouest au-delà du lac Ouinipigon (Winnipeg en anishinaabemowin). Pierre rencontre ensuite Ochegach, un chef numakiki, qui lui dessine une carte et est désigné comme oshkaabewis (aide cérémoniel) pour lui montrer le chemin. Dix ans plus tard, la brigade de Pierre est escortée par 50 canots alliés nēhiyawak du lac Ouinipigon pour garantir un passage sûr.
Pierre meurt en 1749 à Montréal. Ses voyages dans les prairies ont fortement marqué l’Ouest et la Nouvelle-France et ont changé à jamais de nombreuses vies.
En 1732, Pierre se joint à l’alliance Nēhiyawak-Nakoda-Anishinini contre les Dakhota. En 1736, 21 de ses hommes, dont son fils Jean-Baptiste et le père jésuite Aulneau, sont tués par des Dakhota de l’Est, à Kabapikotawangag.
Les accords commerciaux de Pierre avec ses alliés incluent des esclaves et des armes à feu. Une année, 140 personnes Dakhota captives de guerres sont emmenées à Montréal, baptisées et instruites au catholicisme en route pour être vendues comme esclaves.
Le rôle de Pierre dans l’esclavage commence par des échanges de paix qui honorent la diplomatie autochtone traditionnelle. Au fil du temps, les personnes esclavagées deviennent une marchandise à vendre en Nouvelle-France. Parmi ses réalisations, Pierre cite, outre la traite des castors, les esclaves qu’il a obtenus pour la colonie.
Alors que nous découvrons cette histoire douloureuse, laissons-nous guider par des symboles de paix et de guérison.
En fin de compte, Pierre a exploité toutes ses relations – avec ses femmes, ses enfants, ses investisseurs, ses alliés, ses amis et même ses ennemis. Sa main-d’œuvre était composée de femmes, d’enfants, de travailleurs engagés (voyageurs) et de personnes en esclavage. Nombre de ses actions étaient fondées sur la croyance erronée en la supériorité européenne et sur son désir de gloire et de richesse. Bien que Pierre ait vécu à une époque et dans une société où l’esclavage était acceptable, son héritage ne peut plus être ignoré ni continuer à être glorifié.
Nous avons été appelés à agir concrètement en faveur du changement et de la réconciliation. Comment représenter l’histoire et préparer l’avenir?
Chronologie de Pierre Gaultier de La Vérendrye
1685 – Marie-Anne Dandonneau du Sablé est née à Les Cheneaux (Champlain), Nouvelle-France, le 30 août.
Pierre Gaultier de Varennes (plus tard de La Vérendrye) naît à Trois-Rivières, Nouvelle-France, le 17 novembre.
1687 – La traite des personnes captives de guerres des Premières Nations à des fins d’esclavage commence dans les colonies de l’Est.
1704 – Pierre obtient le grade de cadet, puis d’enseigne. L’année suivante, il participe aux combats armés entre la France et l’Angleterre en Nouvelle-Angleterre.
1709 – Pierre, en tant que lieutenant, participe à la guerre de Succession d’Espagne, dans les Flandres; il est grièvement blessé à la bataille de Malplaquet, où il est fait prisonnier de guerre avant d’être libéré.
1712 – Pierre obtient de la cour du roi la permission de rentrer en Nouvelle-France. Il se marie à l’automne avec Marie-Anne Dandonneau. Il avait renoncé à son grade dans les troupes canadiennes avant de quitter la colonie pour aller combattre en Europe. Mme de Vaudreuil convainc son mari, le gouverneur général, de rétablir la lieutenance de Pierre.
1715 – Louis XV devient roi de France et reste sur le trône jusqu’en 1774.
1726 – Pierre quitte Marie-Anne et leurs six enfants et accepte de travailler aux postes autour du lac Supérieur avec son frère Jacques-René, qui est nommé commandant.
1727 – Pierre travaille pendant deux ans au poste de Sainte-Anne, sur le lac Nipigon.
1728 – Il demande aux gens des Premières Nations qui viennent commercer au fort Kaministiquia des renseignements géographiques sur l’emplacement de la mer de l’Ouest. Il reçoit la visite d’un chef qui a voyagé jusqu’au lac Ouinipigon (Winnipeg) à l’ouest.
1729 – Pierre rencontre Ochegach, un vieil homme numakiki (mandan) qui est un aide cérémoniel (oshkaabewis) asservi au chef Vieux Crapaud. Ochegach dessine à Pierre une carte sur un rouleau d’écorce de bouleau et lui parle du pays des Mandans.
1730 – Pierre plaide sa cause auprès du gouverneur général Beauharnois, affirmant que cette carte les mènera jusqu’à la mer de l’Ouest. La France accepte de donner à Pierre le monopole de la traite à l’ouest du lac Supérieur. Plusieurs marchands de Montréal acceptent d’investir et de lui avancer des provisions pour la traite.
1731 – Pierre quitte Montréal pour l’Ouest en juin avec ses trois fils aînés, Jean-Baptiste, Pierre (Jr.) et François, son neveu Christophe Dufrost de La Jemmeraye et une cinquantaine de soldats et de voyageurs. Au fort Michilimakinac, l’équipage est rejoint par le père Charles Messager, prêtre jésuite.
1732 – En juillet, Pierre rejoint ses hommes au fort Saint-Pierre, sur le lac à la Pluie, avec ses partisans et une escorte de 50 canots « amis » des Premières Nations (probablement des Algonquins, des Anishinaabés). Il établit le fort Saint-Charles à l’angle nord-ouest. Ce fort devient la base de ses opérations dans l’Ouest au cours des années 1730.
Des cérémonies d’échange élaborées ont lieu au lac des Bois avec différentes nations. Au cours de cérémonies très protocolaires, Pierre se marie avec une mère de clan anishinaabée. Les mères de clan contrôlent à la fois le commerce sur les eaux et la division du travail dans leurs communautés. Pierre a donc accès à la main-d’œuvre, aux connaissances en matière de survie et aux réseaux de la famille de sa femme, ce qui lui ouvre les portes de la région pour le commerce.
1733 – C’est la première année qu’un grand nombre de Dakotas sont faits prisonniers de guerre et « conduits » (par canots et portages) à Montréal où ils sont vendus comme esclaves. Ils proviennent de raids de villages de ce que Pierre appelle les « Mascoutens Pouanes » ou Sioux des Prairies (Dakotas de l’Ouest). L’alliance Nēhiyawak-Nakoda-Anishinini (Cris Assiniboine/Oji-Cris) fait la guerre à ses ennemis traditionnels et vend ses captifs de guerre à Pierre.
1735 – Pierre se trouve sur le lac des Bois avec son plus jeune fils, Louis-Joseph, et le père Jean-Pierre Aulneau, qui vient d’arriver de France. L’illusion que Pierre a créée d’une paix négociée par les Français avec les Dakota est brisée lorsque des groupes de guerre mixtes de Dakotas de l’Est-d’Anishinaabés commencent à attaquer les villages nēhiyawak et anishininis autour du lac des Bois et du lac à la Pluie, après avoir découvert que certains de leurs proches étaient retenus en esclavage par Pierre.
1736 – Au début de l’année, Pierre retourne au fort Saint-Charles depuis le fort Maurepas sur le lac Winnipeg (à l’embouchure de la rivière Rouge) pour découvrir que son neveu La Jemmeraye est mort au confluent des rivières Rouge et Roseau. Plus tard, deux des fils de Pierre iront l’enterrer à cet endroit.
Plus tard dans l’année, son fils Jean-Baptiste tombe dans une embuscade tendue par les Dakotas de l’Est au lac des Bois. Le massacre, au cours duquel lui, 19 voyageurs et le prêtre jésuite Aulneau sont brutalement tués et décapités, envoie le message que les Dakotas ne font plus confiance à la France en tant que partenaire commercial. Parmi les morts, on compte les voyageurs Jacques La Vallée, Paul Chevalier, François Provencher, Joseph de Laurier, Pierre Le Boeuf, Roc Touin, Antoine Millet et Jean-Baptiste Renaud. 800 Nēhiyawak (Cris des plaines) et Anishininis (Oji-Cris) implorent Pierre de venger le meurtre de son fils, qu’ils considèrent comme le « chef de deux nations », mais il les exhorte à ne pas faire la guerre, car il attend des approvisionnements du lac Supérieur.
1737 – Les forces de Pierre étant épuisées par la marche, il envoie ses fils en reconnaissance à la fourche des rivières Rouge et Assiniboine. Pierre se rend à Montréal avec 14 canots remplis de fourrures qui lui permettront d’éponger ses dettes.
1738 – Pierre passe l’hiver 1737-1738 comme invité du gouverneur général Beauharnois au château Saint-Louis. Il quitte Montréal au printemps et arrive au confluent des rivières Rouge et Assiniboine où l’attendent 200 tipis de Nakoda. Des cérémonies d’échange très protocolaires ont lieu au cours desquelles il semble que Pierre se marie une troisième fois avec une mère de clan Nēhiyawak ou Nakoda, dont il ne note pas le nom dans son journal. Une semaine après avoir quitté le fort Rouge qu’il a construit à la fourche, il arrive à Portage La Prairie, rejoint par les Nēhiyawak et les Nakoda tout au long de la marche. C’est là qu’ils construisent le fort La Reine.
1739 – Marie-Anne Dandonneau meurt en Nouvelle-France en septembre. Jusque-là, elle s’occupait des affaires familiales. Les finances de Pierre ne seront plus jamais aussi solides.
1742 – Pierre (fils) et François partent avec une escorte nakoda et deux interprètes voyageurs sur le sentier qui deviendra, pendant 200 ans, une route bien connue entre le Missouri et la baie d’Hudson.
1743 – Les fils de Pierre retournent au fort La Reine. Sur le chemin du retour, ils enterrent une plaque de plomb portant les armoiries royales de la France à la source du Missouri, là où se trouve aujourd’hui Pierre, dans le Dakota du Sud.
1744 – Pierre écrit au ministre Maurepas pour lui faire part de son travail acharné au fil des ans. Il invoque les trois principaux avantages de son travail pour la colonie, à savoir 1) le grand nombre de personnes de la colonie qu’il emploie et qui vivent de ses expéditions, 2) les esclaves qu’il procure à la colonie, et 3) les peaux qu’il intercepte et qui, autrement, iraient aux Anglais de la Baie.
1746 – Pierre est relevé de son commandement des postes de la mer de l’Ouest, qui est confié à M. de Noyelles.
1748 – Le fils de Pierre, Louis-Joseph, se rend au Manitoba et rencontre M. de Noyelles qui rentre chez lui après un an et demi d’échec dans l’Ouest. La moitié des forts de La Vérendrye ont été détruits. Louis-Joseph les restaure en continuant sa route vers l’ouest.
1749 – Le gouverneur s’aperçoit que Pierre était le mieux placé pour le poste. Pierre est décoré de la médaille de l’Ordre de la Croix de Saint-Louis, rétabli dans ses fonctions de commandant dans l’Ouest et autorisé à poursuivre ses explorations.
Le 6 décembre, Pierre meurt subitement à Montréal et n’entreprend jamais le voyage qu’il avait prévu pour 1750. Au moment de sa mort, il n’est pas plus riche qu’il ne l’était au départ.
Après la mort de Pierre
1750 – Les marchands de fourrures rivaux se disputent le butin du territoire du Manitoba et du Missouri. Les droits des fils de La Vérendrye à succéder à leur père sont ignorés et les marchandises expédiées par Pierre et ses fils sont confisquées dans le cadre d’un audit intensif de la succession de Pierre.
1756-1763 – La guerre de Sept Ans entre la Grande-Bretagne et la France, motivée par une rivalité commerciale et impériale, est peut-être l’épisode militaire le plus important des débuts de l’histoire canadienne. L’Alliance des Algonquins de l’Est se range du côté de ses alliés, les Français.
1757 – Le comte de Bougainville raconte dans un mémoire sur les postes de la mer de l’Ouest que « l’une des activités commerciales de ce poste concerne les Panis (mot utilisé par les Français pour désigner une personne réduite en esclavage afin de ne pas insulter leurs alliés algonquiens); il s’agit d’une nation de [Premières Nations] que nous estimons à 12 000 (en référence aux Dakotas). Les autres nations leur font la guerre et nous vendent leurs esclaves. » Il poursuit en disant « qu’ils échangent en moyenne 40 à 60 esclaves ou panis par an » qui, selon lui, viennent de la région de la rivière Missouri. Il affirme qu’ils jouent le même rôle que les esclaves noirs en Europe.
1759 – Les Britanniques envoient des milliers de soldats supplémentaires d’Europe pour tenter de renverser le cours de la guerre. Cela se termine par la bataille décisive entre les Britanniques et les Français sur les plaines d’Abraham.
1760 – La Nouvelle-France au Canada est rattachée à l’Amérique du Nord britannique. La capitulation de 1760 maintient le système et la pratique de l’esclavage.
1909 – Naissance le 22 mars, à Saint-Boniface (Manitoba).