Un miracle manitobain
La première greffe de moelle osseuse pour guérir la drépanocytose
au Manitoba a eu lieu il y a 10 ans.
Célébrons la Journée mondiale de la drépanocytose le 19 juin!
La drépanocytose, communément appelée anémie à hématies falciformes, est la maladie génétique la plus fréquente dans le monde. Cette maladie héréditaire affecte la forme et le bon fonctionnement des globules rouges et entraîne des épisodes fréquents de douleurs très intenses. Plusieurs personnes drépanocytaires doivent régulièrement avoir recours à des transfusions sanguines, mais la guérison complète ne s’obtient qu’avec une greffe de moelle osseuse, et seulement si le donneur est compatible et encore…
L’Afrique, considérée comme un des foyers originels de la mutation drépanocytaire, connaît des taux de prévalence très élevés de cette anomalie. C’est pourquoi Micheline et son mari, tous deux originaires de la République démocratique du Congo (RDC), s’en sont beaucoup voulus lorsqu’ils ont appris que leur nouveau-né était atteint de drépanocytose. Faisons place au récit de Micheline.
J’ai quitté la RDC en 2003 en raison du conflit armé qui s’y déroulait depuis 1998. Durant ma quête d’un bon endroit pour m’établir, j’ai vécu dans plusieurs États américains avant d’aboutir à Fort Érié en Ontario où j’ai rencontré celui qui est devenu mon mari. Nous avons eu une fille en 2008, puis un fils en 2012 à St. Catharines, toujours en Ontario. C’est lorsqu’il avait deux semaines que nous avons appris que notre bébé était malade.
Après les cinq premiers mois de sursis grâce à l’hémoglobine de sa naissance, sa santé a commencé à se dégrader et il subissait des crises de plus en plus fréquentes et de plus en plus fortes. C’était horrible de voir notre bébé souffrir ainsi. Avec le diagnostic de drépanocytose, est venu le remords. Je connaissais ce genre de maladie en Afrique et ce qu’on disait dans les villages lorsqu’il y avait un enfant qui naissait avec ça : que c’était un enfant de la malchance, un être anormal, un « sorcier ».
Malgré l’incidence élevée de porteurs du gène de la drépanocytose en Afrique, on n’y procède pas à des tests génétiques systématiques lorsqu’on se marie. Mais étant éduqués, mon mari et moi aurions dû savoir mieux. Est-ce que parce que nous étions hors de notre pays qu’inconsciemment nous nous pensions « hors de danger »? Est-ce parce que nous étions constamment en mouvement, cherchant la « terre promise » où nous pourrions enfin installer nos pénates que nous avons fait fi de cette possibilité? Pourquoi n’avons-nous pas fait les tests génétiques qui auraient établi que nous étions tous deux porteurs?
Nous étions en désarroi, sachant que la qualité et l’espérance de vie de notre enfant étaient précaires. Lors d’une crise particulièrement éprouvante, dans mon désespoir, j’ai lancé un ultimatum : mon Dieu, ou bien tu prends cet enfant-là tout de suite avec toi, je ne vais pas te renier, ou bien tu le guéris. Ensuite, des médecins nous ont annoncé que notre fils était au plus mal et qu’il risquait de perdre des organes si l’on ne faisait rien.
Une infirmière de l’hôpital d’Hamilton nous a informés qu’il y avait un traitement aux États-Unis qui consistait en une greffe de la moelle osseuse et qu’on pouvait recevoir ce traitement au Manitoba avec le concours de médecins américains. Elle nous a mis en contact avec les bonnes personnes, dont un hématologue dévoué, certainement envoyé par le bon Dieu. Il nous a intimé de nous rendre aux urgences du Health Sciences Center à Winnipeg et rassuré qu’il allait préparer le personnel à nous recevoir.
Par chance, notre fille s’est avérée une donneuse parfaitement compatible et la greffe, première du genre à traiter la drépanocytose au Manitoba le 13 juin 2013, a été un succès complet. Merci mon Dieu!
Signé Micheline Kizeza