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Moins d'action, de grâce!

Cette année, nous avons repoussé le souper de l’Action de grâce d’une semaine et un jour pour pouvoir accueillir Anne-Catrin, une ancienne étudiante internationale à l’école de Val, revenue d’Allemagne pour la visiter. Nous étions quinze autour des deux tables : mes filles et leurs conjoints, mon fils, ses deux enfants, deux de ses amis, Spinster et Butler, et sa nouvelle blonde, Meegan, deux amis d’Aimée, Drew et Daniella, et Jasmine, notre nouvelle colocataire du Bangladesh.

Normalement, je réserve ma dinde au marché local d’une ferme où elle a été élevée en liberté. Comme je crois fermement que nous sommes ce que nous mangeons, j’hésite généralement à servir de la dinde, mais mon désir de perpétuer la tradition est plus fort que mes craintes. Je commande donc ma dinde relativement petite, surtout pas moyenne et encore moins grosse. Je passe la prendre le matin même et la fais cuire alors qu’elle est encore bien fraîche. Cette année, lorsque j’ai cherché une dinde élevée en liberté et tuée avec humanité, ou halal, pour que notre coloc musulmane puisse en manger, je n’ai rien trouvé. C’était une semaine après le jour D et un dimanche, par dessus le marché. Je me suis donc résolue à « choisir », à mon Superstore local, deux grosses dindes tuées on ne sait trop quand ni comment, puis surgelées après avoir été farcies et infusées au beurre (sic). Deux jours avant le repas, elles attendaient toujours, comme des dindes, qu'on vienne les décongeler.

Émile et moi avons résolu de les mettre dans l’eau. Émile est allé chercher un gros bac de plastique au sous-sol. Le lendemain, elles étaient prêtes à cuire, mais c’était trop tôt. Je me suis dit qu’elles seraient bien dans l’eau froide en attendant de passer au four. Comme Jasmine utilise le frigo du sous-sol et que mes quatre tartes à la citrouille y avaient été admises, je n’avais pas de meilleur endroit pour les « conserver ».

Le jour D+7 arrivé, Émile s’est soudain mis à se préoccuper du fait que les dindes se trouvaient toujours dans l’eau. 
- T’étais censée les mettre au frigo!
- Y avait pas d’place!
- On peut pas servir ça. On va empoisonner tout le monde. Et avec Val qui est enceinte…
- L’eau est aussi froide que le frigo.

Émile a récupéré le thermomètre à viande et en a piqué la sonde dans l’eau. Je suis allée consulter Google. J’ai appris qu’on doit changer l’eau aux demi-heures pour éviter la contamination. J’ai décidé d’ouvrir une dinde pour en vérifier l’état. Elle était gluante. Du coup, j’ai paniqué, puis je me suis souvenue qu’elle était déjà imprégnée de beurre.
 

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Quand l’odeur a atteint mon nez, la moutarde y est aussi montée. Qu’allions-nous faire? Je devais aller chercher David et Aimée à quinze heures. J’ai décidé d'arrêter au Costco pour acheter des poulets halal. Je croyais que ça me laisserait largement de temps au retour pour les faire cuire. Comme j’étais en avance, je suis allée chercher des plats en pyrex que j’avais trouvés sur Marketplace, l’application de magasinage de Facebook. Quand on met un objet à vendre sur Marketplace, on doit indiquer où il se situe. La région est alors encerclée en rose sur une carte avec plus ou moins de précision, selon qu’on est prêt ou non à partager cette information. J’avais compris que mes plats se trouvaient près de chez Aimée, mais ils étaient en fait à plus de vingt minutes. Je suis donc arrivée les chercher légèrement en retard, après un arrêt supplémentaire au Vita Health – où l’on vend normalement les enveloppes de sauce en poudre au « poulet » sans gluten que j’avais oublié d’acheter – situé à peine plus loin que la dame aux petits plats – que je n'ai pas achetés finalement parce qu'ils étaient justement trop petits – je n'avais pas pris le temps d'en déterminer la taille. Un dernier arrêt allait être nécessaire. Les poulets ont été mis au four à dix-sept heures.

Certains de mes invités ont indiqué que la cuisson de six poulets à la fois prend plus de temps que celle d’un seul. J’ai objecté au début, puis je me suis rappelé ma note finale pathétique en physique. Finalement, j’avais raison. Ici encore, je n’ai pas réussi à obtenir de l’information en français avec Google, mais j’ai trouvé des tas de trucs, notamment dans la page suivante :
 

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À dix-neuf heures quarante-cinq, nous avons sorti le pain et le beurre. La sonde du four indiquait 145 °F, nous croyions devoir attendre encore longtemps. C'est alors que l’un des chefs invités nous a informés du fait que le poulet pouvait être servi cinq minutes après avoir atteint une température interne de 150 °F. Cette fois encore, je n’ai pas trouvé d'info en français, mais j’ai appris qu'on pouvait faire cuire un poulet juteux et croustillant sans avoir à l'apprêter!

À vingt heures, le repas était servi. Nous n’étions plus que quatorze par contre. Butler avait omis d’informer Émile qu’il repartait pour la Floride ce soir-là. Même si j'avais remarqué qu’il regardait souvent sa montre, ça m'avait plutôt étonnée qu'inquiétée, ce jeune homme étant normalement si poli, trop peut-être… Il est reparti sans manger, le pauvre ami, avec un peu de mie. 

Dorénavant, quand j’inviterai des non-initiés à ma table, je joindrai le texte 20 symptômes négatifs du TDAH adulte à l’invitation, en prenant bien soin de surligner en jaune et souligner en rouge la section suivante : « Problèmes dans la planification, l'organisation, la gestion des priorités et la gestion du temps ».

Comme nous avons soupé tard, personne n’avait encore pris de dessert au moment où je devais reconduire David et Aimée, qui avaient prévu de l’aide pour vingt-deux heures. Nous avons emballé un peu de la croustade aux pommes que Drew avait préparée et versé dans une bouteille de Pepsi vide une portion du jus de pommes chaud que Val avait prévu servir en soirée. Personne n’a touché à mes tartes.

Au retour, je suis passée par Osborne Village, où se trouve le condo que je viens de m'acheter, et me suis garée dans le stationnement d'où je pouvais l'observer. D'abord soulagée à la pensée que j'allais bientôt pouvoir réduire un peu ma vitesse de croisière, j'ai vite été envahie d'une grande tristesse à la pensée que je n’y aurais pas suffisamment de place pour recevoir quatorze invités.
 
«
 Le Seigneur a donné, le Seigneur a repris. Que Son nom soit béni. » (Job : 1,21)

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