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Voici quelques-unes de vos réponses à la question posée dans le dernier numéro :
« Toi, tu aimes la langue française? Que fais-tu pour la mettre en valeur? ».
« Je tiens à la langue française au même point qu'à la langue anglaise, bien que ma langue maternelle ne soit ni l'une ni l'autre! C'est un grand avantage de connaître les deux langues officielles du Canada. »
– Lucien Loh
« Pour moi la langue française est la pierre angulaire de mon identité franco-métisse. Les valeurs de nos traditions y sont transmises. Je la valorise en la transmettant à mes enfants et en restant en communauté. J'ai cherché du travail en français et je partage cette langue chaque jour avec mes étudiants d'une école d'immersion. »
– Candice Behrendt
« La langue française a formé mon identité. Cette langue a toujours fait partie de ma vie. Mes grands-parents et mes parents ont lutté pour que nous puissions vivre en français et ont inculqué en nous une fierté inébranlable par rapport à notre langue. À cause de cela, la langue française est une passion pour moi. On pourrait facilement me qualifier de maniaque de la langue française! C’est ma langue, ma culture, mon vécu, mon identité, ma vie! Cette langue a contribué à former qui je suis et a guidé mon choix de carrière.
Lorsqu’on fait partie d’une minorité francophone, il faut faire un choix conscient, tous les jours, de faire ce qu’il faut pour vivre en français. Il faut de la détermination, il faut être fier de notre langue et il faut y tenir. Je suis très fière de mes racines francophones et je tiens à les nourrir. Je ne tiens cependant pas pour acquis les droits que nous avons. Nous devons toujours lutter et être conscients que nos droits sont fragilisés si nous n’exigeons pas le respect de notre langue.
Il faut savoir d’où on vient pour apprécier où l’on va. La famille de mon père vient de la Suisse romande. Celle de ma mère a fait un parcours européen pour enfin aboutir au Manitoba. Mes parents ont vécu les années où l’enseignement en français était illégal. Ma mère m’a dit, il y a déjà longtemps, et cela m’est toujours resté, que non seulement il fallait cacher les livres français quand l’inspecteur venait, mais on leur disait que s’ils parlaient français, ils seraient enlevés de leur famille. Bien des familles ont eu peur de ça, alors elles ont arrêté de parler français. D’après moi, cela pourrait expliquer pourquoi certaines personnes ont un nom de famille français, mais ne parlent pas la langue. Mes grands-parents n’ont pas succombé aux menaces et grâce à leur détermination, je peux dire, en toute sincérité, qu’en dépit du fait d’être dans une mer anglophone, je vis en français et j’adore cette langue, ma langue! »
Suite à un échange courriel :
« […] Il y a des fois où je me décourage par rapport au fait français, surtout à ce qui semble être un manque de fierté et de volonté de la part des gens. Lors de ces moments, je me rappelle tout ce que mes parents ont fait pour que nous puissions vivre en français, en plus des paroles de papa qui me disait, « il ne faut jamais lâcher Pauline, c’est qui nous sommes ». »
– Pauline Charrière
« Après près de 30 ans dans la province, je me considère maintenant comme Manitobaine. Mais je sais que je l’ai eue facile côté français. D’abord, parce que je suis née et j’ai vécu une grande partie de ma vie dans une province où le français est la langue officielle et y est majoritairement parlé et où, en fait, l’anglais était peu ou mal enseigné (à l’époque de mes cours secondaires, en tout cas). Je n’ai donc eu aucune difficulté à conserver mon français. De plus, étant une avide lectrice, j’ai grandement développé mon vocabulaire ainsi que ma connaissance de la littérature française.
À mon arrivée au Manitoba, j’ai été attristée de constater les effets de l’assimilation, surtout connaissant un peu les efforts héroïques de toute une génération pour garder le français vivant sous la Loi Thornton. Et je réalisais, en me promenant dans les couloirs de l’école francophone de mes enfants, que la fierté de parler français ne semblait pas s’être transmise aux dernières générations.
Puis, après 20 ans passés au Manitoba, à lire davantage en anglais, à interagir en anglais quotidiennement, force me fut de remarquer une certaine dégradation de mon français qui m’obligeait à constamment consulter les dictionnaires pour m’assurer que je n’utilisais pas un anglicisme. Et, comme l’amélioration de ma capacité de m’exprimer de la façon la plus juste possible demeure un constant intérêt, j’ai commencé à songer à une façon de partager mon amour de la langue française avec les gens d’ici.
C’est ainsi que ma réponse à « Que fais-tu pour mettre la langue française en valeur? » est d’avoir démarré le magazine franco-manitobain Le Nénuphar en 2017. »
– Jacinthe Blais
* * *
J’aimerais partager avec vous cet extrait d’un article de Pierre Foglia, journaliste d’opinion québécois, qui exprime très bien le fond de ma pensée en ce qui a trait au français écrit :
[...] À force de ne plus savoir écrire, on ne sait plus penser. C’est que la règle ne détermine pas seulement le féminin, le pluriel, le commun, le particulier, l’exception, l’action en train de se dérouler, l’action terminée, elle introduit aussi le doute, la médiation, l’histoire, l’opposition, l’idée. La règle n’est pas la camisole de force qui empêche d’écrire, débarrassons-nous-en et on écrira plus librement. La règle est la méthode de penser.
Quand tu me demandes, jeune homme, à quoi ça sert d’écrire sans fautes, j’ai envie de te demander pourquoi t’habilles-tu, pourquoi te nourris-tu? Si tu t’habilles seulement pour te couvrir, alors porte toujours le même couvre-tout gris et n’en parlons plus. Si tu manges pour remplir ton ventre, avale toujours la même bouillie et dis à ta mère de ne plus cuisiner.
La langue écrite est aussi affaire d’élégance, de nuances, de goût, de respiration, de vie, je te l’ai dit, les règles servent à vivre. Affaire de poésie aussi, bien sûr. La poésie qui apparaît souvent comme la transgression de la règle. Mais justement, pour la transgresser, il faut la connaître. [...]
Source : L’oral et l’écrit, Pierre Foglia, La Presse, 8 mai 2003
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