La mentrité
(Chanson)
Par un beau soir, mon père a dit
Tu vas savoir mes vraies ment’ries
T’es assez vieux pour les conter
Disant que c’est la vérité
Ça va causer des commérages
Icitte et là dans le village
Pour les gens qui n’ont rien à faire
C’est parfait les paroles en l’air
La vérité, ça fait mentir
Et la ment’rie, ça fait sourire
Si tu dis vrai, là on t’en veut
Mais si tu mens, ce n’est pas mieux
Tu sais d’où il vient le grand trou
Dans le Rocher de par chez nous
Qui fait courir tant de touristes
Qui fait se pâmer les artistes
C’est ton ancêtre en un galion
Qui a tiré de son canon
Pour couler Wolfe et son armée
Alors le Rocher a crevé
La vérité, c’est un quadrille
Que l’on dansait dans le bon temps
Et la ment’rie, c’est le gogo
Qui fait oublier le tango
Parlons un peu de la Crevasse
Ce vieux mont fendu dans la face
C’est la vraie place où les amants
Se promettent et pour très longtemps
C’est ton aïeul en février
Et moi le premier je l’ai su
Quand la montagne était gelée
D’un coup de hache, il l’a fendue
La vérité, c’est quand le vent
Veut annoncer du méchant temps
Mais la ment’rie, c’est la radio
Qui nous prédit qu’il fera beau
À propos du pic de l’Aurore
Qui n’a jamais perdu le nord
Savais-tu qu’un arrière-grand-père
L’avait traîné un jour d’hiver?
Il était là, dedans son champ
Il lui nuisait terriblement
Un matin il a attelé
Et la roche a déménagé
La vérité, c’est deux beaux vieux
Qui se bercent à quatre-vingt-deux
Mais la ment’rie, c’est une actrice
Qui a maquillé ses yeux tristes
J’ai su aussi que le ruisseau
Qui chante à plein dans le coteau
Appartiendrait au vieux Antoine
Qui avait perdu ses deux femmes
Il s’était fait creuser un puits
Pour aller pleurer son ennui
Un printemps, il a débordé
Le ruisseau s’est mis à couler
La vérité, c’est la marée
Qui va descendre et puis monter
Mais la ment’rie, c’est le ciment
Cachant la plage à nos enfants
Et tu sauras que la grosse île
Qui fait bien jaser même en ville
N’est pas là depuis l’oncle Adam
Que ça fait pas très, très longtemps
C’est quelqu’un de la parenté
Un peu pour se désennuyer
Un soir en revenant du large
Il l’a touée avec sa barge
La vérité, c’est un conteur
Qui raconte et nous fait des peurs
Mais la ment’rie, c’est la télé
Où tout le monde est maquillé
Et savais-tu que l’oncle Élie
Avait grimpé un arc-en-ciel
Voulait y pêcher de la pluie
Pour attirer des mouches à miel
L’arc-en-ciel est tombé à l’eau
Et l’oncle a fait un sacré saut
Est resté les quat’ fers en l’air
Quelque part entre ciel et terre
La vérité, c’est un nuage
Qui va nous péter un orage
La ment’rie, c’est la météo
Nous annonçant qu’il fera beau
Les ment’ries que je t’ai contées
Sont plus vraies que la vérité
Si je t’ai caché quelque chose
Dis-le-moi ce soir si tu oses
Avant de parler comme on doit
Faut tourner sa langue et sept fois
Le silence est d’or on le dit
La parole est d’argent terni
La vérité, c’est la ment’rie
La ment’rie, c’est la vérité
Si je dis vrai, je t’ai menti
Et si je mens, t’as deviné!