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Le peuple des réserves routières

Le mois dernier, nous avons parlé des tactiques élaborées par les missionnaires et le gouvernement pour assimiler les personnes autochtones, dont la sédentarisation et l’éducation. Une autre tactique que nous présentons maintenant est celle de la dispersion des populations. 

Dans l’histoire des Métis, il y a certains éléments méconnus, dont la période des réserves routières qui s’est déroulée de 1900 à 1960 environ. À l’opposé des réserves instaurées par le gouvernement canadien à l’usage des Premières Nations, les réserves dites « routières » étaient des terres publiques destinées à la construction de routes dans les régions rurales et certains endroits peu fertiles. De nombreux Métis, délogés par l’installation des immigrants agriculteurs, ont commencé à s’établir dans ces réserves routières et travaillaient pour les agriculteurs à déboiser et à préparer les champs à l’ensemencement. Ces emplois temporaires étaient peu payés et ne permettaient pas aux travailleurs d’offrir un toit à leur famille. Ils se tournaient donc vers la trappe et la chasse en plus de la cueillette de baies et de racines de sénéca, très prisée, pour suppléer à leurs maigres rations. Ces tentatives des Métis pour améliorer leur sort étaient souvent contrées par des décisions gouvernementales comme celle, en 1939, qui interdisait le trappage et la chasse sans permis ou hors saison, sous peine de payer une forte amende ou de se retrouver en prison. 

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La famille Trottier, Round Prairie, SK, vers 1920, Atlas des peuples autochtones.

En plus d’occuper des terres publiques destinées à la construction, les Métis ont cultivé des terres peu fertiles et broussailleuses pour fonder de nouvelles communautés. Ainsi, à Richer, Sainte-Geneviève, Saint-Ambroise, Sainte-Amélie, Toutes Aides et Sainte-Madeleine, on arrivait à subsister entre le maigre rendement des fermes, le travail à titre d’ouvrier agricole et la trappe. Le plus important : les Métis y étaient indépendants et autosuffisants.

La pauvreté engendrée par les dures conditions de vie dans les réserves routières a duré jusqu’au milieu du XXᵉ siècle. À cette époque, l’accès à l’éducation était fermé aux Métis, car il fallait payer un impôt foncier pour être en mesure d’envoyer ses enfants à l’école. Durant trois générations, les Métis n’ont donc pu recevoir une éducation de base et cela a contribué à accroître davantage l’écart avec les colons dans une société raciste où ils étaient marginalisés. Malgré tout, plusieurs aînés se souviennent du bon temps passé dans une réserve routière. On y parlait le métchif, les familles étaient « tissées serrées », les aînés enseignaient les traditions aux enfants et l’on pouvait compter les uns sur les autres. 

Au moment de la grande dépression, les autorités gouvernementales ont commencé à dissoudre les communautés des réserves routières, forçant ainsi les Métis à quitter leurs camps. Dans le but de créer des pâturages communautaires en région rurale, on a expulsé les familles métisses et brûlé leurs maisons, sans même les indemniser, comme à Sainte-Madeleine. Ne cherchez pas cet endroit sur la carte, il a été complètement effacé. Cet ancien village où vivaient des centaines de Métis était situé au nord de Saint-Lazare près de la frontière saskatchewanaise. À l’automne 1938, on a réduit en cendre les 35 maisons, le magasin et l’école du village. Cette partie de l’histoire est racontée dans une exposition permanente du Musée du Manitoba : Ni KishKishin, je me souviens de Sainte-Madeleine.

Références :
Le peuple des réserves routières, Atlas des peuples autochtones du Canada
Métis story finally being told, in michif, at the Manitoba Museum, Manitoba Museum
'We lost our homes': Museum exhibit tells story of Métis village's displacement, CBC Manitoba

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