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Découverte de la terre d’accueil 

« Félicitations, Monsieur, Madame, vous êtes officiellement
résidents permanents, bienvenus au Canada »…

La messe est dite. Le son du tampon sur nos confirmations de résidence permanente sonna le glas de plusieurs semaines d’anxiété; on y est. Le train de la nouvelle vie démarre. Mes yeux brillaient, j’étais tout sourire; je voulais sur le coup raconter mon parcours à l’agent d’immigration et lui dire à quel point j’étais heureux d’être ici et d’en être arrivé là, mais le bonhomme aux cheveux longs était inabordable, implacable. Normal : il représentait l’autorité. Son poste doit lui en avoir fait voir des vertes et des pas mûres, il doit être méfiant et il doit avoir reçu des directives. Je l’ai compris. Son rictus ferme en était un de circonstance! Dans mon pays natal, tout le monde sait que les Canadiens sont gentils…

J’ai fait mes adieux à Nna Djohar, une vieille femme que son fils m’a confiée à l’aéroport d’Alger afin de l’accompagner jusqu’à l’aéroport Trudeau où son autre fils nous attendait. Elle était analphabète et ne comprenait que ma langue maternelle, qui était aussi la sienne (son prénom est Djohar, mais chez moi on ne s’adresse jamais à une personne plus âgée que soi directement par son prénom; on le précédait du déterminant Nna pour une femme et Dda pour un homme, par respect). En partant, elle implora à haute voix les saints patrons du Canada de nous protéger moi et ma famille, en reconnaissance du service rendu. Une rapide recherche sur Internet me fit connaître Saint-Joseph et Saint-Jean-Baptiste!

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Mon premier geste en tant que résident permanent fut, bizarrement, d’aller dans les toilettes de l’aéroport. Je n’avais en effet aucun besoin pressant. Moi-même, je ne comprenais pas. C’est peut-être mon cerveau reptilien qui m’imposait un marquage de territoire! L’espace était énorme; il suffirait pour un studio sous d’autres cieux! La chasse d’eau évacuait d’abord avant de se remplir! Elle évacuait avec un bruit assourdissant qui me rappela celui que fait l’air aspirant tout quand la porte d’un avion s’ouvre dans les films! Il y avait des rouleaux de papier pour s’essuyer, mais je n’ai pas envie de poursuivre ce sujet ici.


À la sortie de l’aéroport et de sa climatisation, j’ai trouvé un air très chaud et un taux d’humidité terrible. Le ciel était nuageux et un orage éclata avant notre arrivée à la maison; jamais je n’ai entendu du tonnerre retentir aussi fort. La température baissa aussitôt et j’ai sombré dans le sommeil qu’impose le décalage horaire. Il était une heure du matin dans mon cerveau, sept heures du soir à Montréal! Je me suis réveillé à une heure du matin, car mon horloge biologique affichait sept heures, l’heure de mon réveil habituel. Je ne savais pas quoi faire (Ne surtout pas prendre un café!). Tous les immigrants que j’ai rencontrés ici ont vécu la même chose.

Mes premiers jours à Montréal furent mémorables : tout était nouveau! Des écureuils aux terrains de tennis bleus, aux parcs pour enfants qui essaimaient partout au grand bonheur des miens, au nombre incroyable de personnes qui font du sport dans les parcs, au nombre incroyable de gens tatoués, aux autoroutes qui bifurquent vers la gauche, aux camions géants semblables à celui de l’émission C’est pas sorcier, aux édifices en rang d’oignon où on laisse (exprès?) les lumières allumées la nuit au grand bonheur des yeux qui les regardent à partir du Mont-Royal, à la taille surdimensionnée des yaourts et des roues de vélos…

Mêmes constats à Saint-Boniface à mon arrivée dix jours plus tard. Sans la fanfare, les avions qui passent près de nos têtes toutes les trois minutes et les immeubles qui, finalement et une fois l’éblouissement passé, ne servent à rien au nouveau résident!

C’était houleux! 

Saint-Boniface est beaucoup plus calme!

Et donc beaucoup plus propice à élever ses enfants et vivre dans la paix nécessaire à l’épanouissement quand on a coupé le cordon d’avec la mère-patrie.

Quand on marchait dans la rue, on n’entendait que les corbeaux!

Ça, c’était en été. En hiver, même les corbeaux se taisent la plupart du temps.

Où sont les gens? Où vont-ils?

Je reviendrai vers ce constat dans un prochain texte et j’ajouterai juste une chose : Saint-Boniface (puisque c’est là que j’habite) est une fourmilière. D’apparence calme, ce quartier abrite la vie dans ce qu’elle a de plus actif, de plus joyeux, et de plus diversifié.

Le Manitoba est une province qu’on aime à mesure qu’elle nous donne, qu’elle nous comble, qu’elle nous surprend. On l’aime à mesure qu’on y reste, qu’on s’y sédentarise. Beaucoup de gens me l’ont dit. Je citerai Laura (52 ans à Winnipeg), Mustapha (17 ans), Monique (28 ans), Manseerat (13 ans)…

Quand je dis qu’elle nous donne et qu’elle nous comble, je ne parle aucunement d’aides financières! Je parle de choses beaucoup plus durables. Je parle de joie de vivre, de quiétude, de garantie de vie de famille, de sourires affichés même à -43 ᵒC! Cherif Kheddam, un célèbre poète compositeur kabyle a dit dans une de ses merveilles :


Si notre seul souci est notre pain quotidien,
Nous ne valons pas mieux que les bêtes qui, elles, mangent aussi à satiété…

En voilà un bel argument à opposer aux fous furieux qui font dans la réification tous azimuts et croient que les nations ne sont que des marchés, les peuples des consommateurs, et les frontières seulement économiques!
 
Bon février à tous les Manitobains.
On se verra au Festival du Voyageur!

 

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