Pilier de la communauté, le CESB
[Ce texte est une version abrégée d’un extrait de la Prise 5 de l’ouvrage
Depuis les plaines jusqu’aux sommets des Rocheuses de Denis Gravel.]

Ce n’est pas évident de lancer un sport comme l’escalade à Winnipeg, à Saint-Boniface. Mais en formant un club et en construisant des infra-structures, nous avons rejoint bien plus de gens que nous l’aurions imaginé. (André Mahé)
Début d’une grande aventure…
Certaines rencontres ressemblent à des contes. En arrivant dans un nouveau milieu de travail, dernier arrivé, on discute d’abord de tout et de rien avec ses collègues. Peu à peu, une alchimie subtile s’opère, des liens se tissent, des passions s’éveillent. De ces moments de complicité est née l’idée de bâtir un club d’escalade, un mur et même une tour.
Je n’ai jamais compté les heures passées à ériger ensemble les quatre étages de la tour. Ce qui m’a marqué, ce sont les silences partagés, lourds de sens et pourtant confortables. Pendant la construction, nous rêvions de dormir un jour au sommet. Malheureusement, ce rêve ne s’est jamais réalisé.

Mur d’escalade
Un jour, dans la salle du personnel de l’école, une idée simple a germé : pourquoi ne pas construire notre propre mur d’escalade? André* a aussitôt rencontré la direction, qui s’est montrée favorable. Restait à convaincre les enseignants d’éducation physique. À notre étonnement, tout s’est enchaîné comme si les planètes étaient alignées.
Nous avons trouvé un local pour fabriquer les panneaux, percé les trous selon un modèle conçu par André, et même créé nos propres prises en bois grâce à un atelier spécialisé. En mars 1992, pendant la semaine de relâche, nous avons érigé un mur de 22 pieds de haut sur 20 pieds de large, avec surplombs.
Rapidement, le Club d’escalade de Saint-Boniface a offert de la formation technique, tant sur le mur que sur la roche, à ses membres et à de nombreux élèves du secondaire. Malheureusement, la collaboration avec les enseignants et les organismes communautaires est restée limitée, faute de reconnaissance de la valeur éducative de l’activité.


Créer un club d’escalade
Au départ, nous étions un petit groupe d’amis. André et Roland nous initiaient aux techniques et à l’assurage. Mais la popularité grandissante de l’escalade imposait un cadre sécuritaire. Pour se protéger et structurer nos activités, André a exploré la création d’un club. L’assurance nécessaire s’avéra toutefois beaucoup trop coûteuse.
André s’est alors tourné vers le Club alpin du Canada (CAC), qui cherchait justement à ouvrir de nouvelles sections. Grâce à Peter Muir, président de la section Manitoba et membre du Conseil national, une solution a émergé : fonder une section francophone distincte. La demande fut acceptée, et le Club d’escalade de Saint-Boniface est né, première section francophone du CAC.
À peine un an après l’installation du mur, nous avions un statut officiel. L’école nous ouvrait son gymnase deux soirs par semaine et, ensemble, nous avons lancé un club jeunesse, les Altimètres, pour les enfants de 5 à 10 ans. Le mur attirait même l’attention lors des compétitions de volleyball et de basketball, inspirant d’autres écoles à installer leur propre mur de bloc.

Conseil d’administration
André, en bon rassembleur, savait créer des liens autour d’un repas ou d’un verre de vin. Sous sa présidence, le club a multiplié les projets : évènements caritatifs, partenariats avec des entreprises locales, recrutement de nouveaux membres.
Il n’était pas toujours facile à convaincre, mais sa ténacité faisait avancer les choses. Comme se rappelle Martyne Laliberté, « parfois, il fallait user de patience, ou lui verser un peu plus de vin pour l’amener à considérer une nouvelle idée ».
Son engagement a permis d’instaurer des formations régulières, de moderniser les installations et de maintenir des tarifs accessibles. Il a aussi encouragé l’entraide et fait émerger de nouveaux leaders. Le club est devenu un pilier de la communauté, reconnu pour sa convivialité et son excellence.

Paul Hrynkow

De gauche à droite : Miguel Parent, André Mahé

De gauche à droite : Yvon Deschambault, Thérèse Dubé, Martyne Laliberté
Activités communautaires
Le CESB a toujours cherché à rayonner au-delà de Saint-Boniface. Pour rejoindre les jeunes dans leurs communautés, nous avons construit un mur portatif sur une remorque. Grâce à lui, nous avons animé des ateliers d’escalade dans plusieurs régions et participé à des fêtes locales, comme celle de la Saint-Jean-Baptiste à La Broquerie.
Cinq ans après sa fondation, le club comptait déjà plus de cent membres. Devant les progrès impressionnants des grimpeurs, nous avons entrepris un ambitieux projet d’expansion : prolonger le mur et ajouter un surplomb au plafond du gymnase. Avec l’appui d’ingénieurs, d’architectes et de la division scolaire, ce projet a vu le jour, encore une fois comme si « les étoiles étaient alignées ».
En 2022, nous avons achevé la dernière phase avec l’ajout d’un nouveau module, ce qui préparait l’arrivée du mur de bloc.

Mur de bloc
Au printemps 2022, nous avons construit un mur de bloc de 7,32 mètres de long et 2,43 mètres de haut. Idéal pour l’initiation, il ne nécessite ni harnais ni corde. Une dizaine de jeunes de 5 à 12 ans ont pu y apprendre les techniques de base en toute sécurité, encadrés par des élèves du secondaire formés pour l’occasion.
Un manuel d’activités a été créé pour ce groupe d’âge. De plus, des prises spéciales ont été conçues pour fixer des objets variés — nouilles de piscine, cerceaux, filets, cordes — afin d’offrir des défis ludiques et progressifs.
À l’automne, une demande avait été faite pour lancer officiellement un club jeunesse, La Traverse. Malheureusement, la nouvelle direction a choisi de limiter les activités, et le projet n’a pas vu le jour. Ici, les étoiles se sont éteintes…
* J’ai connu André Mahé en 1975, bien avant que j’apprenne qu’il était impliqué avec le Club alpin du Canada.

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