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Polyglotte

« Une langue différente est une vision différente de la vie. »

– Federico Fellini

Depuis mon enfance, j’ai une passion pour les langues. C’est mon grand-père maternel, Sam, un véritable maître des langues, qui a été ma source d’inspiration linguistique. J’avais de grandes chaussures à remplir, pour ainsi dire.

Originaire d’un village russe près de la frontière ukrainienne, Sam, boucher de métier, parlait le russe et l’ukrainien dans sa jeunesse. Puis, devenu adulte, il a développé le goût du voyage.

Au fil de ses pérégrinations, il a d’abord traversé l’Europe centrale, où il a acquis l’allemand, puis franchi l’océan Atlantique pour s’installer en Argentine, l’industrie de la viande étant en plein essor à cette époque. Là-bas, Sam a appris l’espagnol, encore par lui-même.

Après son séjour sud-américain, il est arrivé au Canada et a fini par s’installer dans une petite ville de la vallée de la Qu’Appelle, en Saskatchewan. C’est là qu’il a rencontré ma grand-mère, originaire de Roumanie, qui parlait, elle aussi, plusieurs langues. Ensemble, ils ont ouvert un petit magasin général.

Épris de son nouveau pays nord-américain, où il allait passer le reste de sa longue vie, Sam a aussi appris deux autres langues : l’anglais et le français. Mais cela ne lui suffisait pas. Soucieux de mieux servir ses clients autochtones qui fréquentaient son magasin, il a même appris le cri. C’était sa septième langue.

Véritable caméléon linguistique, Sam s’adaptait aisément à chaque milieu. À la fin, je ne saurais dire s’il savait lire et écrire parfaitement toutes ses sept langues, mais il les parlait couramment, naturellement et avec dynamisme, comme si chacune était sa langue maternelle. Il était un véritable trésor vivant de langues.

Il n’est donc pas étonnant que j’aime tant les langues. J’y trouve un immense plaisir, autant dans l’apprentissage que dans l’expression. J’ai appris le français en grande partie en autodidacte, et l’italien entièrement par moi-même. Un jour, j’aimerais ajouter l’allemand ou l’espagnol à mon répertoire, pour devenir, à mon tour, une véritable polyglotte.
 

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Mais qu’en est-il des polyglottes, comme mon grand-père?

J’ai vu des vidéos fascinantes de ces polyglottes capables de passer, apparemment sans effort, d’une langue à l’autre, sans même réfléchir. Dans leurs vidéos, ils décrivent vivement leurs motivations et leurs expériences d’apprentissage.

Accros à la culture, à la communication et à l’interaction humaine, les polyglottes portent un regard particulier sur le monde, leurs interlocuteurs, leurs mots et leurs façons de parler et de penser. Ils voient les couleurs et les nuances d’une situation donnée et possèdent une vision riche et nuancée de tout ce qu’ils observent, ce qui crée un tableau visuel unique et captivant.

Quant à leur parcours linguistique, certains polyglottes grandissent dans des environnements familiaux ou communautaires multilingues, apprenant ainsi plusieurs langues dès l’enfance. Il arrive qu’ils aient évolué dans un foyer bilingue où leur mère parlait une langue et leur père une autre. D’autres, en revanche, se découvrent une passion pour les langues à l’âge adulte, souvent grâce à leurs voyages et à leurs rencontres.

Là où une personne quelconque apprend le danois à des fins professionnelles, le polyglotte, lui, s’y intéressera peut-être en raison du système d’écriture ou du style oral. Il peut ensuite apprendre une langue de la même famille linguistique, comme le suédois, puis s’essayer à l’italien ou au swahili, juste pour la variété et le plaisir de l’apprentissage.

Toutefois, être polyglotte ne signifie pas forcément s’immerger dans des manuels denses pour maîtriser autant de langues que possible. Ce n’est pas nécessairement une obsession pour les temps, le vocabulaire ou la grammaire. Les moyens d’apprentissage sont aussi variés que les langues elles-mêmes.

Quels sont les effets d’être polyglotte? Cela aiguise certainement l’esprit et développe la capacité à effectuer plusieurs tâches à la fois. Cela assouplit aussi la compréhension en matière de conscience culturelle. On dit même que cela peut améliorer les compétences sociales, la logique, la mémoire et la résolution de problèmes. Tous ces éléments pourraient contribuer à retarder le déclin cognitif lié à l’âge.

De plus, beaucoup de polyglottes disent se sentir différents, comme s’ils adoptaient une nouvelle personnalité lorsqu’ils parlent une autre langue. Moi-même, je me sens une personne presque transformée en français ou en italien : parfois plus impulsive, plus décontractée ou même plus rationnelle, selon la langue que j’utilise.

Bien sûr, les polyglottes ne sont pas parfaits. Ils confondent parfois des mots entre leurs différentes langues, surtout si elles appartiennent à la même famille linguistique. Cela m’arrive, de temps en temps, entre le français et l’italien. Les règles grammaticales peuvent aussi se brouiller d’une langue à l’autre.

Le cerveau du polyglotte déborde vraiment de mots et de structures diverses. Il doit pratiquer régulièrement ses langues — écouter de la musique, regarder des films, lire des romans, discuter avec des locuteurs natifs, ou même écrire un exposé ou une histoire — sous peine d’en perdre peu à peu l’usage.

Et pour ajouter du piquant à cette activité déjà fascinante, il existe à travers le monde des rassemblements où les polyglottes se retrouvent pour partager leurs expériences et leur amour des langues. Tout cela rend notre planète plus petite et bariolée, et les gens plus liés et compréhensifs les uns envers les autres.

En fin de compte, être polyglotte est-il une compétence réservée à quelques personnes naturellement talentueuses ou à celles qui ont tout leur temps pour apprendre? Pas nécessairement. C’est surtout une question d’état d’esprit, de méthode et de persévérance.

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