D'une part droitier... de l'autre gaucher
Deux collègues tendent leur bras droit pour se serrer la main.
Un soldat lève la main droite pour saluer son chef de corps.
Un prêtre fait le signe de croix de la main droite devant ses paroissiens.
Un citoyen prête serment en levant la main droite.
C’est un monde fait pour les droitiers.
Bien sûr, on peut faire ces gestes de la main gauche. Mais comme environ 90 % des gens utilisent principalement leur main droite pour leurs activités courantes, ce sont eux qui imposent la norme.
Ce biais contre les gauchers a des racines profondes. Historiquement, la gaucherie a été perçue défavorablement par la plupart des sociétés. Elle a été associée à la maladresse, à la malveillance, à la malhonnêteté, à la stupidité, à la trahison, au péché, à la saleté et à bien d’autres défauts.
Comme c’est triste, déplorable, injuste.
Dans certaines cultures, afin de préserver la propreté là où l’hygiène pose problème, la main droite sert encore aujourd’hui à manger, à manipuler les aliments et à interagir socialement. La main gauche, en revanche, est réservée à l’hygiène personnelle, notamment après la miction et la défécation.
Ainsi, par croyance ou superstition, les droitiers ont stigmatisé les gauchers et imposé la conformité à l’usage de la main droite. Quelle situation désagréable pour un gaucher, qui se sent impur, indésirable, exclu par une majorité cherchant à le contrôler, le punir ou le rejeter simplement en raison de sa latéralité.
Pour s’intégrer dans une société de droitiers, les enfants gauchers n’ont pas d’autre choix que de changer de main : apprendre à écrire de la main droite, peu importe la difficulté. Certains réussissent tant bien que mal, mais beaucoup subissent des difficultés persistantes, perturbant leur développement cérébral naturel.
Conséquences du changement forcé
Parmi les effets nuisibles :
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problèmes d’apprentissage, de lecture et d’écriture;
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difficultés de traitement du langage et du visuel;
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troubles de la parole et bégaiement;
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troubles de la mémoire, notamment pour le rappel;
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perturbations de l’attention et de la concentration;
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désorientation spatiale;
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problèmes de comportement;
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fatigue accrue en raison de l’usage de la mauvaise main.
S’y ajoutent souvent des sentiments d’inadéquation, une faible estime de soi et de l’anxiété. Ces difficultés proviennent du fait que les zones du langage se situent fréquemment dans l’hémisphère gauche du cerveau, dominant chez les droitiers.
Un monde conçu sans eux
Les obstacles ne s’arrêtent pas là. Être gaucher signifie devoir composer avec un environnement pensé pour les droitiers.
Un ouvre-boîte devient une épreuve. Les ciseaux mordent les doigts. Les spirales métalliques d’un classeur frottent contre la main. Les équipements de jeux et de sport, les instruments de musique (guitares, violons), les pupitres, les souris d’ordinateur... tout semble conçu pour les autres. Et que dire des taches d’encre qui compliquent encore l’écriture.
Bien sûr, il existe des gadgets pour gauchers qui réduisent ces frustrations et facilitent les tâches. Mais ils sont souvent rares, plus chers et doivent être commandés spécialement.
Souvenir personnel
Pour ma part, je suis droitière. Mais j’ai toujours admiré les gauchers.
Au lycée, je m’asseyais à côté d’une camarade, Carol. Elle était gauchère et possédait l’écriture la plus exquise qu’on puisse imaginer. J’ai passé des heures à l’observer recopier ses notes avec tant de soin. Comme je l’enviais!
J’ai même essayé d’apprendre à écrire de la main gauche pour devenir ambidextre. En vain, à ma grande déception. Je peux faire bien des tâches de la main gauche, mais écrire n’en fera jamais partie.
Créativité et latéralité
Les gauchers sont-ils plus créatifs? En réalité, non.
Aucune preuve scientifique ne montre qu’ils soient intrinsèquement plus créatifs que les droitiers. Certaines études suggèrent une présence légèrement plus forte dans les domaines artistiques, mais la créativité dépend surtout de l’environnement, de l’éducation, de la culture et des capacités cognitives.
Cela dit, les gauchers démontrent parfois de meilleures aptitudes en multitâche, en pensée divergente et en résolution de problèmes. Mais ils sont aussi plus susceptibles d’avoir des allergies, des migraines, des troubles du sommeil et davantage d’accidents. Être gaucher comporte des risques supplémentaires dans un monde pensé pour les droitiers.

Pourquoi gaucher ou droitier?
La latéralité est un trait complexe, déterminé à environ 25 % par la génétique et à 75 % par l’environnement. Le développement cérébral précoce, y compris prénatal, joue un rôle clé. Même les vrais jumeaux, pourtant génétiquement identiques, ne partagent pas toujours la même main dominante.
Quelques gauchers célèbres
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Jeanne d’Arc
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Le prince William d’Angleterre et son arrière-grand-père le roi George VI
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Napoléon Bonaparte et Joséphine
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Les présidents américains Ronald Reagan, Bill Clinton, Barack Obama, George H.W. Bush
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Les premiers ministres canadiens Paul Martin et Stephen Harper
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Les premiers ministres britanniques Winston Churchill et David Cameron
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Les écrivains Lewis Carroll, Franz Kafka, H. G. Wells, James Baldwin, Hans Christian Andersen, Kurt Vonnegut
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Les artistes Leonardo da Vinci, Michel-Ange, Raphaël, M. C. Escher, Paul Klee, Hans Holbein le Jeune, Toulouse-Lautrec, Van Gogh, Picasso, Dürer, Rubens, Klimt
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Les compositeurs Mozart, Beethoven, Rachmaninov
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Les scientifiques Marie Curie, Newton, Einstein, Darwin
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Les vedettes Oprah Winfrey, Lady Gaga, Paul McCartney, Ringo Starr, Charlie Chaplin, David Bowie, Julia Roberts, Nicole Kidman, Justin Bieber, Céline Dion, Keanu Reeves, Robert De Niro, Marilyn Monroe, Angelina Jolie
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Les athlètes Babe Ruth, Bill Russell, Rafael Nadal, Lionel Messi, Arnold Palmer, Sandy Koufax, Bobby Orr, LeBron James
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Les inventeurs Nikola Tesla, Henry Ford
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Le magnat de l’informatique Bill Gates



