Les enfants de Yuki, après deux ans d’université au Manitoba, ont chacun à leur tour, à trois ans d'intervalle, consacré une année entière à étudier le japonais à l’Université Tokai au Japon et à s’entraîner avec son réputé club de judo, les deux, de façon intensive. Nous vous présentons les écrits combinés de leur journal de bord respectif, lesquels seront parfois émaillés de notes rétrospectives et d’échanges sur leur expérience.
20 septembre 2012
Faire la navette au Japon

J’ai été absente assez longtemps, alors préparez-vous, je vais vous mettre à jour sur ce qui s’est passé et sur ce qui reste à venir.
Pour commencer, ces trois derniers jours, même si je séjourne chez les Iwasa à Tama Center, j’ai pris le train jusqu’à l’Université de Tokai
pour assister à quelques derniers entraînements avant mon départ pour Hokkaidō.
Ce qui veut dire… que pour arriver à temps à l’entraînement du matin qui commence à 7 h 30, j’ai dû me lever à 4 h 30, quitter la maison à 5 h, prendre le train de 5 h 14 jusqu’à Shinyurigaoka, faire un changement à 5 h 40, descendre à la gare TokaiDaigakuMae, puis marcher de la gare au campus (environ 15 minutes de marche). Et je devais porter un gros sac sur mes épaules pendant tout ce trajet. Comme je ne rentrais pas à la maison ensuite pour récupérer mes affaires, je devais tout emporter avec moi : vêtements de rechange, mon judogi, du ruban adhésif, mon déjeuner et mon dîner, etc. Le premier jour, ça allait. Je crois que j’étais soutenue par l’adrénaline. Mais mardi et mercredi, ça a été un peu plus dur de me lever, et j’ai commencé à avoir mal aux épaules en raison du poids du sac. Mais en fin de compte ça en valait la peine. Vous verrez pourquoi dans mon prochain article. ;)
On m’avait proposé de loger dans une résidence plus proche de l’université pour éviter de faire ces trajets, mais j’ai préféré rester chez les Iwasa et faire la navette. Ce n’est pas du tout rare au Japon. Les hommes d’affaires et les étudiants font parfois des trajets aller simple de deux à trois heures chaque jour juste pour aller travailler ou étudier. L’avantage du train, c’est qu’on n’a pas besoin de conduire, donc il n’y a pas d’accident si jamais on s’assoupit. Et c’est à peu près ce que tout le monde fait, surtout le matin.

La seule chose, c’est qu’il faut bien faire attention à ne pas rater son arrêt… ce qui, heureusement, ne m’est pas encore arrivé.
Faire la navette, même seulement pendant trois jours, était épuisant. Mais c’était aussi une autre expérience à vivre au Japon. Le seul avantage de prendre le train si tôt, c’est qu’on est pratiquement sûr à cent pour cent de trouver une place assise, car il y a très peu de monde à cette heure-là. :)
Prendre un bain au Japon
C’est quelque chose que j’aurais dû mentionner depuis longtemps, mais comme il n’y avait que des douches dans la résidence, j’ai oublié d’en parler.
Les bains japonais… sont un peu différents des bains occidentaux.

Comme vous pouvez le voir sur la photo, il y a deux éléments : une baignoire et un espace pour se laver.
Au Canada, les douches sont probablement plus courantes que les bains, mais quand les gens prennent un bain, ils se lavent généralement dedans tout en se relaxant dans l’eau chaude.
Cependant, au Japon, on se lave avant d’entrer dans le bain (dans l’espace prévu pour se laver). Ce n’est qu’ensuite qu’on peut entrer dans la baignoire, qui est, soit dit en passant, extrêmement chaude! Il m’est même arrivé de ne pas réussir à entrer dans le bain tellement l’eau était brûlante. Mais une fois dedans (la baignoire est beaucoup plus profonde que les baignoires occidentales, donc on peut s’asseoir et être immergé jusqu’au cou), on a l’impression d’être enfermé dans une bulle de chaleur. Le couvercle qu’on voit sur le bain sert à conserver la chaleur.
Dernier entraînement de judo à Tokai
Hier, c’était mon dernier entraînement de judo à Tokai. Aujourd’hui, j’ai eu ma cérémonie de remise des diplômes du Bekka Japanese Language Program et demain je pars pour Hokkaidō. J’ai donc décidé que le 19 serait mon dernier entraînement avant de rentrer au Canada.
Au début de l’entraînement, on m’a demandé de me mettre devant tout le monde pendant qu’on me remettait un judogi, une serviette de Tokai, un magnifique album (avec des messages écrits par toutes les filles) et un ours en peluche pour la collation des grades. J’ai été très touchée qu’elles aient pris autant de peine pour moi. Les filles m’ont toutes dit qu’elles ne m’oublieraient jamais. Beaucoup d’étrangers viennent s’entraîner à Tokai, mais en général, ils restent quelques jours, une semaine ou parfois un mois. Moi, je me suis entraînée avec elles pendant un an. Et j’ai aussi appris le japonais, ce qui m’a permis de communiquer de mieux en mieux avec elles au fil des mois. La communication a probablement été le facteur le plus important. Si l’on ne peut pas communiquer, c’est difficile de se rapprocher des autres. J’allais aussi encourager les filles lors des compétitions et je participais aux stages, ce que la plupart des étrangers ne font pas. Cela m’a aussi distinguée des autres étrangers.
Je suis vraiment heureuse d’avoir rejoint le club de judo de Tokai. Toutes les filles sont formidables et m’ont beaucoup aidée au cours de l’année, m’encourageant et m’apprenant des petites choses ici et là. Mais il y a aussi eu des moments difficiles. À mon arrivée, je ne comprenais pas grand-chose et les filles ne me connaissaient pas encore, donc elles ne me parlaient pas vraiment. Je me faisais beaucoup projeter pendant les premières semaines… et les professeurs ne semblaient pas vraiment prêter attention à moi ni avoir l’intention de m’apprendre quoi que ce soit. Même différencier les filles les unes des autres était difficile. Mais, au fil des mois, les filles ont commencé à discuter avec moi et les entraîneurs ont commencé à m’enseigner, en corrigeant quelques erreurs dans mes techniques. Avec du recul, je pense que les premières semaines étaient un peu comme un test pour voir si j’étais assez solide, si je pouvais tenir le coup. Je suppose que j’ai réussi le test. ;)
Un grand tournant a eu lieu lorsque Shirase Sensei m’a demandé de m’asseoir avec les filles de Tokai (quand on salue au début et à la fin des entraînements), au lieu de m’asseoir à l’endroit réservé aux étrangers et aux athlètes d’autres universités. C’est à ce moment-là qu’ils ont reconnu que j’étais différente des autres étrangers et que mon statut est passé d’« étrangère » à « membre à part entière ».
Grâce au club de judo, j’ai pu vivre de nombreuses expériences que je n’aurais jamais eues autrement. Par exemple, de nombreux athlètes venus d’autres pays sont venus s’entraîner à Tokai. J’ai eu la chance de m’entraîner non seulement avec les filles de Tokai, mais aussi avec des athlètes du monde entier, dont certains ont ensuite participé aux Jeux olympiques de Londres. J’ai pu assister à de nombreuses compétitions de judo au Japon, notamment au Grand Slam de Tokyo. J’ai également pu visiter beaucoup de régions du Japon, comme Tsumagoi (préfecture de Gunma), Miyazaki (sur l’île de Kyūshū) et Amagasaki (entre Osaka et Kōbe).
Le judogi qu’on m’a offert porte le kanji « Tokai » à côté du col et mon prénom « Sayuri » en bas. Normalement, seuls les membres de Tokai portent un judogi avec le kanji « Tokai », donc je suis honorée d’en avoir reçu un. Il est un peu grand, je vais devoir le rétrécir à la sécheuse.


Ensuite, après avoir reçu le judogi et tous ces cadeaux, j’ai aussi offert un petit quelque chose au club de judo.


C’est un album que j’ai créé, rempli de photos prises pendant mon année au Japon. Sur les couvertures, j’ai dessiné toutes les filles, les professeurs et les entraîneurs, en style « chibi ». J’ai vraiment pris plaisir à le faire, mais ça m’a pris beaucoup de temps pour dessiner les 40 visages. Une fois terminé, j’avais presque envie de le rapporter chez moi tellement j’y avais mis du temps. 😀
J’ai aussi pris beaucoup de photos ce jour-là, je vais en afficher quelques-unes ici. Profitez-en!

Photo de groupe, tout le monde est là!


De gauche à droite : Mikiko, moi, Narumi
De gauche à droite : Tomomi (Motoyoshi), moi, Tomomi (Ayabe), Miki, Miyu, Kimiko

Yutaka et moi

Avec l’entraîneuse Izumi

Avec Ami

Avec Kiyomi

Trop de monde...

11 septembre 2015
Un entraînement à Yokohama

Depuis la visite de mon père et de ma sœur en avril, M. Sato me disait que dès que j’aurais fini mes cours, il m’emmènerait m’entraîner dans une autre université. Un endroit un peu moins difficile que Tokai, où je pourrais avoir un entraînement plus… adapté. Enfin, selon M. Sato, bien sûr.
Finalement, ce jour est arrivé. Jeudi dernier, un de mes entraîneurs m’a emmenée jusqu’à l’Université Tōin Gakuen, située près de Yokohama. Nous y sommes allés en train et avons terminé le trajet en bus, pour un total d’une heure quinze de trajet. Assez loin pour un simple entraînement.


L’entrée de l’université.
Le club d’anglais.
Une fois arrivés, Sato Sensei avait pris des arrangements pour que je puisse visiter le club d’anglais de l’université. Ils ont une salle spécialement aménagée pour que les étudiants japonais puissent venir pratiquer leur anglais. Bien sûr, c’est encore l’été ici, donc il n’y avait aucun étudiant, j’ai simplement été présenté au personnel. L’atmosphère semblait agréable et je me demande vraiment comment cela doit être lorsque tous les étudiants sont présents.
Puis est venu le moment de l’entraînement, et Honma (mon coach) et moi nous nous sommes dirigés vers le dōjō. C’était assez surprenant de voir que le dōjō était tout petit, avec seulement deux surfaces de combat. Habitué au gigantesque dōjō de quatre tatamis de Tokai, ça m’a fait un petit choc. Mais pas le temps de réfléchir, j’étais vite sur les tatamis afin de commencer l’entraînement.
L’entraînement m’a rappelé ceux de l’Université du Manitoba. Ils ont fait environ 35 minutes d’échauffement et d’uchi-komi. Comme l’a aussi remarqué Honma, à Tokai on ne fait que 15 minutes d’échauffement et 10 minutes d’uchi-komi. Après ça, on passe directement au randori.
Je ne m’attendais pas à projeter tout le monde là-bas, mais je pensais quand même me sentir un peu plus fort. Mais aucune chance. Tous ceux avec qui j’ai combattu avaient une très bonne défense et étaient très solides dans leurs prises. Leurs mises à terre n’étaient pas aussi nettes que celles de Tokai, mais je me suis quand même fait pas mal projeter. J’ai veillé à bien prendre des pauses, autant pour mon corps que pour ma tête. Mais ça m’a quand même pas mal frustré. Après environ une heure et demie de combats, M. Sato m’a appelé et m’a fait faire des uchi-komi avec Honma-san. Il m’a montré quelques points à améliorer et m’a fait répéter plusieurs fois.
Ensuite, il nous a autorisés à quitter l’entraînement plus tôt (vers 20 h). L’entraînement dure normalement jusqu’à 21 h, soit un total de trois heures. Fou! Bref… Comme nous venions de si loin, M. Sato nous permet apparemment de partir plus tôt. Cette fois, nous avons fait le trajet de retour en voiture. Sa fille était venue nous chercher pour nous ramener à l’université. Sur le chemin du retour, à ma grande surprise, sa fille s’est soudain arrêtée dans le stationnement d’un restaurant, et M. Sato nous a dit de descendre. J’ai compris à ce moment-là qu’il venait tout simplement de nous inviter à dîner.
J’ai dégusté un délicieux repas composé de sushi, de kaki-age (légumes frits en forme de nid), ainsi que de soupe miso. M. Sato avait aussi commandé quelques petits plats d’accompagnement. À la fin du repas, j’étais bien rassasié. Pendant le dîner, la conversation a alterné entre deux sujets : mes progrès en japonais et les expériences de judo de Honma. Mais comme tout le monde l’a remarqué, je n’ai pas eu trop de mal à suivre la conversation. Ça m’a fait plaisir d’être complimenté par M. Sato, l’une des figures les plus respectées du monde sportif au Japon.

Mon souper. Miam…

Eh oui, je viens tout juste de manger avec Nobuyuki Sato.
M. Sato m’a vraiment pris sous son aile, même si je ne représente absolument rien pour lui, ni pour l’université, ni pour le club. Je ne pourrai jamais assez le remercier pour tous ses efforts et tout l’encouragement qu’il me donne. Dernièrement, il a même commencé à m’enseigner directement au club, mais ça, ce sera pour un autre article.



